L’interview de Benjamin, en Russie


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Benjamin nous parle de sa vie en Russie, à Togliatti. Quelles sont ses impressions ?

 

 

 

 

russieOù est-ce ?

Cette photo représente un immeuble typique de Togliatti.

Découvrez son interview

Carte d’identité

Prénom : Benjamin Imhoff
Age : 27 ans
Situation personnelle : en couple avec une tatare de la Volga, sans enfants
Situation professionnelle : vie active : tuteur du CNED, professeur de Français à l’Alliance Française
Pays et ville d’origine : France, Thionville (Moselle)
Pays et ville d’accueil : Russie – 2011-2013 : Pyatigorsk (Caucase du Nord), 2014 : Togliatti (Oblast de Samara)
Date de début d’expatriation : 2011
Blog : http://pyatigorsk-russian-caucasus.blogspot.ru/

Présentez-vous ?

Je m’appelle Benjamin Imhoff, 27 ans, originaire de Thionville en Moselle, diplômé de l’Université de Metz avec un Master 2 en Histoire et un Master 1 en sociologie du patrimoine. Actuellement en couple avec Albina, une tatare de la Volga, je travaille comme tuteur CNED pour une famille française et comme professeur de français. J’occupe mon temps libre par des promenades dans les parcs et la nature, des lectures, quelques sorties et essayer d’apprendre le russe.

Quelle est l’adresse de votre blog ?

http://pyatigorsk-russian-caucasus.blogspot.ru/

Le projet blog a été lancé à l’époque où je travaillais comme assistant de français à l’Université Linguistique de Pyatigorsk dans le Caucase du Nord en Russie. L’objectif était de permettre aux étudiants volontaires de publier un article sur un support moderne, parler de leur région avec une approche plutôt culturelle, contacter quelques personnes pour améliorer la qualité de mes cours (par exemple une intervention avec un spécialiste du tourisme en ce qui concerne le atouts/inconvénients du tourisme par Skype). Sur un plan plus personnel, le blog me permettait de montrer la région à mes proches, de collaborer avec quelques autres blogs et journalistes.

Où vivez-vous actuellement ?

Je vis actuellement à Togliatti dans l’oblast de Samara en Russie. Je suis parti en Russie en 2011 parce que je voulais voir autre chose que la France après mes études, acquérir une bonne expérience de vie. Un poste dans le Caucase me paraissait être un bon dépaysement. Ce n’est pas la première fois que je pars à l’étranger mais les autres fois c’était pour faire du tourisme (2 mois aux USA par exemple)

Votre vie avant votre expatriation

Comment était votre vie dans votre pays d’origine ?

Ma vie en France était assez agréable. J’ai grandi en appartement à Thionville chez mes parents et puis j’ai vécu en cité U à Metz. J’ai nagé dans un club pendant 10 ans. Comme n’importe quel adolescent en France, je passais du temps avec mes amis et avec ma famille.

Et puis la vie à la fac a été un peu plus folle car c’était la liberté. Je donnais également des cours de soutien à domicile et des cours de soutien aux étudiants d’histoire de 1ère année à la fac. Je faisais beaucoup de vélo, lisais et passais du temps sur Internet.

Pour quelles raisons vous êtes vous expatrié ?

Je me suis expatrié par goût de l’aventure, du voyage, et de voir ce que ça pouvait faire de changer radicalement de vie. J’étais le seul en master d’histoire à n’avoir jamais redoublé alors je me suis dit que j’avais du temps pour profiter de la vie et qu’il y avait autre chose peut-être dans la vie que le trio étudier-travail-retraite et qu’il fallait le faire à ce moment précis de ma vie, juste après mes études.

Votre vie à l’étranger

Comment s’est passé votre départ ?

J’étais assez excité de partir à l’aventure dans le Caucase (je m’intéressais à la Russie depuis plusieurs années, j’avais même des amis à Moscou que j’avais été voir deux semaines en 2010). Mes amis et ma famille trouvaient ce choix un peu étrange, ils avaient un peu peur du fait des problèmes politique dans cette région (terrorisme, souvenirs de la guerre en Tchétchénie). J’ai pris des affaires habituelles, avec un petit surplus d’habits chauds parce qu’on voit toujours la Russie comme un pays froid mais dans la région où j’étais, le climat n’était pas sibérien mais plus doux voire très chaud

Comment se sont passées les premières semaines sur place ?

Mes premières semaines caucasiennes sur place ont été très intéressantes. Je voulais découvrir ma nouvelle région et je marchais beaucoup car il faisait très beau et le coin est magnifique. L’université me fournissait une chambre avec sanitaires dans un foyer étudiant. J’ai tout fait pour m’intégrer le plus vite possible en multipliant les contacts sur place même si je ne parlais presque pas russe. Je passais beaucoup de temps à la faculté de Français. Je n’ai pas pris de cours pour apprendre la langue, j’apprenais doucement au fur et à mesure. Le contact avec les gens du Caucase a été très rapide car ils sont très hospitaliers et ils n’ont pas l’habitude de voir des européens donc ils sont curieux.

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre vie à l’étranger ? Qu’est-ce qui vous plaît moins ?

Ce qui me plait, c’est l’aventure, apprendre d’autres façons de voir le monde, c’est très enrichissant, surtout quand je vivais dans le Caucase car il y a beaucoup de cultures différentes. On mange de nouvelles choses, les relations entre individus sont différentes. Les gens sont en général assez gentils avec les Français. En Russie, la liberté prend une autre forme, on peut moins respecter la légalité, il y a toujours une solution pour s’arranger.

Il y a aussi énormément de commerces de proximités en plus des grands centres commerciaux.

Ce qui me plait moins, c’est que souvent en Russie le respect aveugle de la hiérarchie est très fort et que la qualité du travail est moins importante que de comprendre quelle est sa place, ce qui fait qu’on peut avoir des systèmes qui fonctionnent mal mais peu importe vu qu’on se soumet à la hiérarchie. C’est assez difficile de comprendre ça quand on vient du pays des gens qui se plaignent sans cesse. ?. L’architecture de l’époque soviétique n’est pas très élégante, surtout dans une ville nouvelle comme Togliatti.

Par rapport à votre pays d’origine, qu’est-ce qui est mieux, qu’est-ce qui est moins bien ?

Ce qui est mieux en Russie, ce sont les grands espaces avec une faune et une flore très intéressantes, on ne sent jamais à l’étroit ici comme c’est parfois le cas en France. Ca procure une sensation de liberté assez grande. Les gens sont assez simples en général et la communication est facile.

Pour ce qui est moins bien, c’est tout d’abord les conditions de vie des gens avec des salaires assez bas, plus de problèmes sociaux qu’en France (La drogue et l’alcoolisme), des équipements collectifs en piteux états depuis la chute de l’URSS et la pollution de l’ex industrie lourde soviétique et du fait que les gens jettent facilement les ordures par terre.

une vue sur la Volga dans les environs de Togliatti

une vue sur la Volga dans les environs de Togliatti

Les caractéristiques de votre pays d’accueil

Je dirai les grands espaces (la Russie est le plus grand pays du monde), un hiver froid et assez long (de novembre à avril avec des températures sous les -30 en février) et un été très chaud (il y a souvent la canicule). Togliatti est une grande ville de 700 000 habitants aménagée autour de l’usine Lada et le long d’un grand réservoir de la Volga. La ville est découpée en 3 grands arrondissements avec une forêt entre eux.

  • La mentalité des locaux

Les gens sont assez différents, surtout dans le Caucase du fait des différentes nationalités. Mais on retrouve assez souvent une forme de nationalisme, de patriotisme, d’amour de sa culture avec une grande place pour la famille. Ils semblent assez fatalistes sur la vie et prennent les choses comme elles viennent, comme s’ils ne pouvaient rien y changer. Ils sont également très hospitaliers

  • Le climat

A Togliatti, l’hiver est long et il a fait -34 en février. Et puis en avril, il fait tout de suite très chaud comme si le printemps n’existait pas.

  • Le logement

C’était très facile de trouver un appartement car j’avais repris le contrat d’un ancien tuteur à Togliatti et puis j’ai pris un nouvel appartement. Pour louer un appartement, c’est assez facile en Russie, pas besoin de milliers de papiers, de caution etc etc, on parle avec le propriétaire et il dit si c’est bon  et on signe un contrat directement avec lui.  Dans le Caucase, je vivais dans un foyer étudiant.

  • La nourriture

J’ai adoré la cuisine caucasienne avec notamment les tartes ossètes et des grillades qu’on appelle chachlick. Certaines soupes sont également délicieuses (Tchanakhi par exemple). Je déteste par contre la gretchka (graines de sarrasin) et l’omniprésence de la pomme de terre et du chou ce qui fait qu’on arrive vite à en faire une overdose. La qualité des produits russes est parfois médiocre (le vin est souvent un mélange de différents vins de la communauté européenne) et les produits européens sont hors de prix mais ça m’a fait découvrir des produits finlandais, baltes qui sont délicieux.

La cuisine française me manque terriblement, surtout en ce qui concerne les fromages et la viande. Les fromages russes sont assez fades et la viande se trouve plutôt dans les soupes ou bien sous forme de « Kotletka », sorte de boulette de viande proche de la kafta des kébabs, bien loin d’une bonne côtelette. Et pas de baguette le matin mais il y a un pain caucasien qui s’appelle Lavach.

  • La scolarisation

Je n’ai pas d’enfants mais je connais bien l’école russe vu que j’y travaille. Il y a d’abord le jardin d’enfants (dietski sad) et après l’école de 7 à 16 ans et qui se termine par une sorte de baccalauréat (égué). Il existe différents types d’écoles, schkola pour les gens les moins aisés, puis les litsei et enfin les gymnasia qui sont pour les familles les plus riches. Les classes sont numérotées de 2e à la 11e . Les cours durent 40 min avec 20 min de pause au début puis 15, 10. Le repas se prend à la cantine en 15 min, chaque classe mangeant à une pause différente. Les cours commencent à 8h15.

  • Les vacances

On a eu presque 1 mois pour Noël et 2 semaines en avril.  Le rythme est un peu différent pour les enfants russes qui ont soit une semaine en automne, deux semaines pour Nouvel An et une semaine au printemps ou bien 3 jours de repos toutes les 5 semaines en plus des deux semaines à Nouvel An. L’école se termine le 23 mai mais nous continuerons avec les enfants français jusqu’à la fin du programme CNED que nous espérons finir fin mai début juin.

  • La santé

Le système de santé n’est pas aussi performant qu’en France. Les médecins libéraux n’existent pas visiblement et il faut aller à l’hôpital pour une consultation. L’automédication est assez courante avec de nombreuses pharmacies. Si j’ai un petit rhume, je la pratique aussi sous les encouragements des russes qui boivent du thé au citron et à la confiture de framboise en cas de coup de froid.

  • La conduite

La Russie est malheureusement championne du monde en ce qui concerne les morts sur la route (35 000 si je me souviens bien). La faute à des conditions climatiques difficiles, des routes dans un état catastrophique voitures vieilles, des conduites parfois trop sportives avec des comportements inappropriés sur la route etc etc. Il faut bien sûr un permis de conduire mais qui peut malheureusement s’obtenir par la corruption. On roule à droite.

Par contre, le point positif, c’est l’occasion de rouler dans les myhtiques Lada des années 1970 de faire un bon dans le passé.

  • La censure

Comme dans chaque pays, il existe une censure mais elle est ici un peu plus forte je pense du fait de l’héritage tsariste et soviétique qui ne s’efface pas du jour au lendemain. Mais Internet offre aujourd’hui un véritable espace de liberté.
Les gens peuvent s’auto censurer, surtout en ce qui concerne les gros mots qui sont interdits, surtout quand on parle en présence de femmes.

  • Ce qui coûte cher / ce qui ne coûte pas très cher

Ce qui coûte cher ici, si on compare le salaire moyen et le prix des produits, ce sont les fruits et surtout les produits étrangers.

  • Est-il facile d’emprunter ?

C’est facile d’emprunter mais le taux du crédit est très fort (12% je crois)

Qu’est-ce qui vous dérange le plus dans les mentalités, les habitudes culturelles du pays ?

Ce qu’on appelle ici le « pofigisme », c’est-à-dire une sorte de nonchalance, du « je m’en foutisme »

Avez-vous des habitudes ?

J’ai plutôt gardé mes habitudes sauf en ce qui concerne les célébrations, comme par exemple fêter Nouvel An à la russe et pas le Noël catholique. Il faut en partie s’adapter aux coutumes de son pays d’adoption.

Est-il facile de partir en weekend ?

Le Caucase est vraiment riche en promenade, monuments mais le système touristique n’est pas très bon et les informations manquent. La région de Togliatti est assez pauvre en découverte alors je pars rarement en weekend.

Décrivez votre cadre de vie ?

Togliatti est une ville nouvelle avec de larges avenues qui s’entrecoupent en angles droits. Les immeubles ressemblent aux grands ensembles qu’on a construits en France après la 2E guerre mondiale et ne sont souvent un peu délabrés. J’habite dans un immeuble plus moderne.

Pouvez-vous nous raconter une journée typique

Une journée type de la semaine : lever à 6H30, petit déjeuner, départ 7h35 pour l’école, début des cours à 8h, déjeuner, sortie des cours à 16h, cours à l’Alliance Française de 17h à 18H30, retour à la maison vers 19h.

le réservoir de la Volga gelé l'hiver

le réservoir de la Volga gelé l’hiver

 

Votre adaptation

Votre intégration a-t-elle été facile ?

Mon intégration a été très facile dans le Caucase mais un peu plus difficile à Togliatti car la ville ne m’attire pas.

Avez vous rencontré facilement les « gens du pays » ?

Dans le Caucase sans problèmes, un peu plus difficilement à Togliatti.

Voyez vous / côtoyez vous d’autres personnes de votre pays d’origine sur place ?

Oui, les enfants avec lesquels je travaille et mon collègue qui est français.

Vous êtes-vous facilement adapté ?

Oui, l’adaptation est assez facile, il faut bien sûr faire l’effort de s’adapter à la vie locale.

Connaissez-vous la langue du pays ?

Je n’ai pas pris de cours de russe mais j’apprends comme ça au fur et à mesure

Votre lien avec votre pays d’origine

Face à quelle mentalité/habitude/défaut de votre pays d’origine êtes-vous plus clément, avec le recul d’habiter à l’étranger ?

De penser que la France est le plus beau pays du monde.

A quelle fréquence rentrez vous dans votre pays d’origine ?

Je rentre en France l’été.

Avez vous des contacts réguliers avec votre entourage resté dans votre pays d’origine ?

Oui bien sûr, ils me manquent mais on communique par email et par Skype régulièrement.

Avez vous prévu de revenir vivre dans votre pays d’origine un jour ?

C’est une grande question que je n’arrive pas à trancher. La France semble un peu bloquée et le « négativisme des gens » m’exaspère. Et je commence à me sentir chez moi en Russie, la France c’est les vacances.

Conclusion

Avez-vous grandit ou évolué depuis votre départ ?

Oui bien sûr que j’ai changé. J’ai pris plus de maturité au contact d’une autre société où la place de l’individu, de la famille, la conception du monde et beaucoup d’habitudes sont différentes. Je pense aussi qu’exercer une activité professionnelle où je suis responsable de l’éducation des enfants  m’a fait évoluer.

Avez-vous des conseils pour les futurs-expatriés ?

Favoriser les sorties et les contacts avec les locaux pour s’intégrer le plus vite possible et ne pas rester coller aux autres Français. Ne pas trop juger la nouvelle culture dans laquelle on vit en fonction de sa culture (ça c’est difficile).

Comment vous voyez-vous dans le futur ?

Je ne sais pas, je prends la vie au jour le jour.

Dans quel coin du monde rêvez vous de vivre ?

Peu importe du moment que j’ai une vie simple.

Où aimeriez vous vivre une fois que vous serez à la retraite ?

Peu importe du moment que j’ai le sentiment d’avoir bien vécu ma vie.

Retrouvez Benjamin sur son blog

Le blog de Benjamin : http://pyatigorsk-russian-caucasus.blogspot.ru/

blog-russie-caucase

 

Remerciements

Merci à Benjamin d’avoir pris le temps de répondre à toutes mes questions et d’avoir partagé avec nous sa vie en Russie !

Vous avez des questions ?

Si vous souhaitez poser des questions à Benjamin sur son interview, n’hésitez pas à lui laisser des commentaires sous cet article. Il se fera un plaisir d’y répondre !

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